Casse inexpliquée du verre : tendances de l'industrie et facteurs externes

Casse inexpliquée du verre : tendances de l'industrie et facteurs externes

Ces dernières années, l’industrie photovoltaïque a observé une augmentation des cas de casse spontanée du verre, suscitant des interrogations sur certains aspects de la conception des modules. Autrefois, les fractures étaient principalement causées par des événements identifiables, tels que la grêle ou la manutention. Cependant, des cas isolés ont été observés sans cause apparente, notamment sur de grandes centrales. Par ailleurs, certains modules présentent des marges de sécurité plus réduites lors des tests de charge statique IEC 61215, alors qu’ils les surpassaient largement par le passé.

Il est essentiel, pour comprendre cela, de comprendre les traitements thermiques du verre et d’identifier les schémas de casse. Cet article explore ainsi les traitements du verre, les paramètres inhérents aux panneaux et les facteurs externes responsables de cette tendance.

Augmentation de la taille des modules

Les modules photovoltaïques ont considérablement augmenté en taille, passant de ce que l'on appelle la taille L (environ 2 m²) à la taille XXL (environ 3 m²) en quelques années. Si vous tenez un module L debout, il est plus grand que la plupart des gens. En revanche, un module XXL est plus complexe à la manipulation. L'usage d'équipements de test devenus ainsi trop petits, présente aussi des soucis. Lorsqu'un module plus grand est chargé par le vent ou la neige, il subit une charge totale plus importante (à cause du vent/neige). Si le verre n'est soutenu qu'à ses bords, ces derniers supportent ainsi davantage de charge. De plus, les pinces de montage, conçues pour réduire les coûts ou faciliter l'assemblage, peuvent exercer davantage de stress sur le verre. L'augmentation de la taille des modules peut également créer une déformation excessive si le cadre est soutenu à un nombre limité de points de montage.

Affinage du verre

L'industrie du verre suit une tendance générale vers l’amincissement des plaques afin de réduire les coûts, alléger les modules photovoltaïques et améliorer leur rendement. Un verre plus fin diminue les dépenses en matériaux, facilite l'installation et optimise la performance des panneaux bifaciaux en augmentant la transmission lumineuse. Cependant, cet affinage du verre pose des défis en matière de résistance mécanique, notamment lors du processus de trempe.

La trempe du verre consiste à chauffer celui-ci entre sa température de recuit et de ramollissement, puis à le refroidir rapidement. Ce refroidissement rapide provoque une compression en surface et une tension à l’intérieur, garantissant ainsi une résistance accrue. Toutefois, en dessous de 2 mm d’épaisseur, il devient difficile d’obtenir une trempe complète sur les lignes de production en masse. Par conséquent, le verre de moins de 2 mm, toujours renforcé thermiquement / semi-trempé plutôt que totalement trempé, est plus vulnérable aux impacts, notamment à la grêle. Pour en savoir plus et mieux comprendre le processus de trempe du verre, vous pouvez consulter notre article qui traite en détail de la question.

De plus, en dessous de 3 mm, certains verres annoncés comme pleinement trempés pourraient en réalité être seulement semi-trempés, ce qui compromet leur résistance mécanique. L’absence de standardisation claire sur ces appellations peut induire en erreur les acheteurs et rendre plus difficile l’évaluation de la robustesse du module.

Selon Teresa Barnes, chercheuse au NREL, plus le verre est mince, plus il devient sensible aux défauts pouvant affecter sa résistance mécanique. De plus, les bords affinés présentent des rayons plus petits, réduisant leur tolérance aux chocs lors de la fabrication. L’évolution vers des modules ultra-larges aggrave cette problématique, car le verre doit supporter une charge plus importante alors qu’il est devenu plus fragile.

En pratique, l’utilisation de verre de 2 mm ou moins dans les modules verre/verre a parfois conduit à des taux de casse élevés, avec des cas documentés montrant que 5 à 10 % des verres arrière des modules se sont brisés dans les deux premières années après installation. Les tests mécaniques standard de la norme IEC 61215 ne suffisent pas à détecter cette fragilité, car ils ne sont réalisés que sur un échantillon réduit. Seule une série de tests en conditions réelles sur un grand nombre de modules permettrait d’évaluer la stabilité de ces panneaux à verre aminci. Le NREL se penche actuellement sur cette problématique et devrait apporter des réponses à ces questions courant 2025.

Tendance du bi-verre contre verre-backsheet

La tendance actuelle avance plutot les modules bi-verre par rapport aux modules verre-backsheet. Nous avons déjà traité ce sujet dans l’article suivant. Bien que les modules bi-verre soient généralement plus durables, ils se révèlent moins résistants aux impacts, notamment à la grêle. L’un des défis spécifiques aux modules bi-verre est le phénomène d’edge pinching, qui peut fragiliser leur structure dès leur fabrication.

Celui-ci se produit lors du processus de laminage. Dans un module à simple verre avec un backsheet souple, ce dernier peut légèrement se courber, permettant à l'encapsulant de s'écouler et d'ajuster l'épaisseur du module. En revanche, dans un module bi-verre, les deux plaques rigides de verre peuvent se pincer sur les bords lors du laminage, ce qui entraîne une déformation du verre. Dans certains cas, cette contrainte place le module à la limite de la rupture dès sa fabrication.


Pour éviter ce problème, certains fabricants utilisent des entretoises dans le laminage afin d’assurer une épaisseur uniforme du module ou emploient des techniques de laminage spécifiques qui empêchent ce pincement. Cette approche est courante dans l’industrie du photovoltaïque à couches minces depuis plusieurs décennies. Cependant, des mesures ont montré que l’edge pinching reste un phénomène significatif dans de nombreux modules en silicium cristallin. Ce phénomène peut aussi parfois annuler les bénéfices apportés par le renforcement thermique du verre.

Gardons à l'esprit que le bi-verre reste largement plus fiable pour l'heure que le verre-backsheet en raison des question de durabilité des modules que nous avons évoquées dans l'article suivant.


Influence du système de montage

L’un des facteurs à prendre en compte est l’influence du système de montage, notamment la longueur des rails reliant les tubes de torsion aux modules. Si ces rails sont trop courts, ils ne fournissent pas un soutien suffisant face aux charges de vent, ce qui peut entraîner une flexion excessive des modules et provoquer la fissuration du verre. Une autre solution pour limiter les dommages causés par la grêle consiste à adopter une stratégie de hail stow, qui consiste à incliner à 50° les panneaux. Cette inclinaison réduit l’exposition du verre aux impacts directs et transforme les chocs perpendiculaires à haute énergie en impacts obliques de moindre intensité.
L'emplacement des rails influe de manière notable dans les contraintes mécaniques admissibles. Ainsi, les placer sur les bords dans la longueur plutôt que transversalement dans la largeur coute moins cher mais équivaut souvent à des charges maximales de pressions/ dépression (test load) inférieures (+3600/-2400 au lieu de +5400/-2400). 




Interactions du cadre

L’interaction entre le verre et le cadre du module constitue également un risque de fragilisation. Lorsque le verre est forcé au contact d’un élément rigide, cela peut engendrer des défauts structurels, accentuer les contraintes locales et favoriser l’apparition de fissures. Les effets du vent et de la dilatation thermique peuvent pousser le verre contre le cadre métallique, aggravant ces tensions. De plus, la présence de sable ou de poussière piégée dans le cadre peut accentuer les dommages lors des mouvements du module.


Le problème de la casse du verre au contact du cadre a été identifié dès les années 1960 et a été atténué par l’ajout de joints en caoutchouc entre le verre et le cadre. Aujourd’hui, une couche de silicone souple est couramment utilisée entre le laminé et le cadre pour amortir les chocs. Cependant, certaines conceptions de modules laissent des zones où le cadre touche directement le verre, augmentant ainsi le risque de fissuration, d’autant plus si des particules abrasives comme du sable s’accumulent dans ces espaces. 

De manière plus générale, la tendance est à l’allégement, voire à leur suppression sur certains modèles bi-verre des cadres. Si cela répond à des impératifs de coût et d’esthétique, cela réduit aussi la protection des bords du verre, une zone particulièrement sensible aux contraintes mécaniques.

Autres paramètres

Les perforations pratiquées dans le verre, souvent destinées au passage des câbles de jonction ou à la fixation des modules dans certains designs spécifiques, créent des zones de concentration de contraintes. Si ces trous ne sont pas parfaitement finis ou si le traitement thermique n’a pas uniformisé les tensions résiduelles autour de ces ouvertures, ils peuvent devenir des points de départ pour des fissures sous l’effet des charges mécaniques, des cycles thermiques ou des vibrations dues au vent. L’absence d’un bon ébavurage ou d’un renforcement adapté autour de ces perforations aggrave encore le risque de casse prématurée.

L’arrondi / finition des bords est un autre facteur déterminant. Un verre découpé avec des angles vifs présente un risque accru de fissuration, car les tensions mécaniques se concentrent aux extrémités, notamment lors de la manipulation ou du montage des panneaux. À l’inverse, des angles légèrement arrondis permettent une meilleure répartition des contraintes et réduisent la probabilité de casse accidentelle. Certains fabricants adoptent ainsi des techniques de polissage des bords pour atténuer ces points de fragilité.

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Aléas climatiques plus fréquents et intenses

Les événements météorologiques extrêmes, comme les tempêtes, inondations et chutes de grêle, sont de plus en plus fréquents et peuvent endommager les parcs solaires, notamment dans les zones côtières et tropicales. L'élévation du niveau de la mer et les fortes précipitations peuvent aussi affecter les systèmes au sol et les onduleurs, tandis que la grêle peut briser le verre des panneaux. Ces événements entraînent également une perte de performance, avec des vagues de chaleur et des fortes pluies devenant de plus en plus courantes.

Une augmentation de 10 °C de la température de surface peut doubler le taux de dégradation des modules photovoltaïques et influer sur le productible du panneau (caractérisé par le coefficient de température). De plus, le décalage du coefficient de dilatation thermique (CTE) entre le verre, l'encapsulant et les cellules en silicium contribue à des tensions mécaniques supplémentaires. Les variations rapides de température exacerbent ces tensions, augmentant ainsi le risque de fissures.

Lors d'événements météorologiques extrêmes, la contrainte mécanique sur les modules est considérablement augmentée. Par exemple, les charges de vent peuvent atteindre des valeurs de 2400 Pa, ce qui, pour des modules non encadrés, peut générer des tensions supérieures à 218 MPa, dépassant ainsi la résistance à la fracture typique de 200 MPa. 

Ce qu'on peut en tirer:

L’augmentation des casses spontanées du verre résulte de modules plus grands, d’un verre plus fin et de contraintes mécaniques accrues. Cette fragilité est d’autant plus préoccupante que les aléas climatiques, comme les tempêtes et la grêle, deviennent plus fréquents et intenses, exerçant des pressions supplémentaires sur les installations photovoltaïques. Les normes actuelles, notamment IEC 61215, reposent sur des tests de charge statique réalisés sur un nombre limité de modules. Or, les défaillances observées sur le terrain montrent que ces tests ne sont pas toujours représentatifs des conditions réelles. Une approche plus rigoureuse, basée sur la probabilité de fracture et des essais sur un échantillon plus large, permettrait d’anticiper ces nouvelles formes de casse.

Chez Synapsun, nous accordons une attention particulière aux traitements thermiques appliqués par les fabricants, ainsi qu’au choix des épaisseurs de verre en fonction des performances exigées par chaque projet. Nous étudions également des systèmes de montage adaptés pour limiter les contraintes mécaniques sur les modules.

Afin de garantir la durabilité des installations, nous proposons une approche rigoureuse incluant la vérification de la conformité des matériaux (PAQS), des inspections avant expédition (contrôles visuels, électroluminescence, mesures de puissance, etc.), ainsi que le contrôle des emballages et la supervision du chargement des conteneurs. Ces démarches assurent que chaque module livré respecte les standards industriels et les attentes du projet, minimisant ainsi les risques liés aux nouvelles contraintes mécaniques et climatiques.

Sources:

  1. NREL (2025) Tough Break: Many Factors Make Glass Breakage More Likely [disponible en ligne] https://www.nrel.gov/docs/fy25osti/91695.pdf
  2. Fraunhofer (2016) Influence of Photovoltaic Module Mounting Systems on the Thermo-Mechanical Stresses in Solar Cells by FEM Modelling [disponible en ligne] https://publica-rest.fraunhofer.de/server/api/core/bitstreams/23a0be4c-a53d-4eb3-9658-d3b06d9584b3/content
  1. ScienceDirect (2024) Climate change impact on solar system in Malaysia: Techno-economic analysis [disponible en ligne] https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1364032123007591
  2. ScienceDirect (2019) Climate change impact on future photovoltaic resource potential in an orographically complex archipelago, the Canary Islands [disponible en ligne] https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0960148118312618
  3. ScienceDirect (2012) Energy sector vulnerability to climate change: A review [disponible en ligne] https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0360544211007870

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